La nuit du monde

Pour un romancier, transformer la décevante rencontre de Proust et Joyce au Ritz, le 18 mai 1922, en une apothéose, puis convoquer tout le gotha de la Littérature à l’enterrement de l’auteur de la Recherche n’est pas un problème ! Patrick Roegiers, auteur de fictions (Le cousin de Fragonard, NB mars 2006), d’essais et autres ouvrages, s’est lancé dans la reconstitution du face-à-face de ces deux écrivains majeurs du XXe siècle avec un enthousiasme et un plaisir manifestes. Présenter ces arpenteurs de l’espace et du temps, leur physique, leur habillement (les huit manteaux superposés de Proust, les espadrilles de Joyce), leurs lubies…, retracer à grands traits leur généalogie et s’attarder ensuite sur leur oeuvre respective ne sont qu’un aspect de cette Nuit du monde. Le principal gît dans le langage, époustouflante logorrhée où anagrammes, jeux de mots, mots d’esprit, pastiches, variations sur des termes rares se catapultent. À la fois biographique, analytique, anecdotique, impertinent et même drôle, ce livre va jusqu’à convoquer Homère… dans une sorte de kermesse héroïco-fantastique langagière.