À Morne-Galant, village de Guadeloupe, Hilaire, aujourd’hui centenaire, a élevé trois enfants après la mort de sa femme, une « Blanche » de modeste extraction : Antoine, l’aînée magnifique, pieuse, un brin magicienne ; Lucinde, intéressée et conformiste ; petit-frère, intelligent, doué pour les études, décidé à réussir. Dans les années soixante, tous trois s’installent en métropole, dans l’espoir d’une vie meilleure et sans discriminations. Une petite-nièce parisienne les interroge sur leur passé. Leurs narrations s’entrecroisent, restituant une histoire familiale d’affrontements et d’arrangements, où règne la tyrannie de la couleur de peau et du qu’en-dira-t-on. La nature, le quotidien précaire, laborieux, l’irresponsabilité du père, la solidarité enfantine imprègnent les enfances étroites. Les départs – souvent des fuites – vers Pointe-à-Pitre font découvrir la vie « en-ville » et l’agitation sociale. Ce premier roman, très réussi, se termine sur les ambiguïtés de l’exil parisien. Estelle-Sarah Bulle réunit ici autobiographie, histoires familiales et fiction. L’originalité du langage parlé, dru, tonique, relevé d’expressions créoles percutantes ou drôles, séduit, la densité des personnages émeut. Ce voyage nuancé dans l’histoire récente et les mentalités des Guadeloupéens ne s’oublie pas.
Là où les chiens aboient par la queue
BULLE Estelle-Sarah