Sur une île de la Terre de feu, l’été austral ramène les migrateurs. Ça barbotte et ça papote sur mer et sur terre. La sterne arctique, même pas fatiguée par son périple, rouspète contre tout. Le baleineau, fier de ses progrès, chante sans répit. Le jeune puma se fait distancer par un nandou mathématicien (croit-il). Et bien d’autres… Parmi eux flotte une silhouette fluorescente qui n’inquiète que le jeune manchot poltron. Un humain, un fantôme sans mémoire qui ne sait même plus ce qu’il cherche. Quelques bribes, retrouvées auprès de la baleine, du monstre dépressif oublié au fond d’un lac l’amènent à s’adresser au condor à la vue perçante et ample. Du chant mémoriel de la même baleine à la cime des Andes, on entraperçoit le souvenir d’un peuple ancien, les Fuegiens, que son contact avec la « civilisation » des Blancs a exterminé. On se laisse porter par cette drôle d’histoire comme ça, et par l’inventivité des noms et des prénoms soigneusement spécifiés et rappelés : clins d’oeil à la littérature ou à la BD, sonorités bouffonnes pour peindre l’énorme popotin de l’éléphant de mer ou le jacassement affolé du manchot. On pense à Sepulveda, si habile à faire dialoguer les espèces animales. On se régale de ce style vivant, malicieux, pince-sans-rire aux nombreux niveaux de lecture. Pour tous de 10 à 100 ans. (R.F. et F.E.)
La perspective du condor
GARCIN Christian