La petite communiste qui ne souriait jamais

Montréal, 1976. Une petite fille vole sur la poutre devant un public et des juges médusés, le panneau électronique s’affole, Nadia Comaneci réalise l’impensable, 10/10. Cette adolescente de quatorze ans vient d’Onesti en Roumanie où Bela, entraîneur, dresse des bébés-gymnastes, multipliant les exercices, traquant le moindre gramme superflu… L’exploit de Montréal, suivi d’autres, vaut à Nadia la faveur du monde, la considération du Camarade et le dépit des Soviétiques. Mais la gamine devient femme, les difficultés surgissent, jusqu’à sa fuite en 1989. Lola Lafon défend souvent des positions radicales et féministes (Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce, NB juin 2011). Ici, dans un récit vivant, habilement construit, elle recompose la vie de Nadia Comaneci. Respectant dates, lieux et événements, elle choisit « de remplir les silences » et ses échanges avec la gymnaste restent « une fiction rêvée ». Le portrait est contrasté : petit soldat perfectionniste ou jeune femme pailletée, Nadia est-elle victime ou complice du régime, en pleine guerre froide ? L’auteur, qui a vécu en Roumanie, décrit le pays de Ceausescu comme un enfer de privation et de démence – « et pourtant, on y chantait… » – sans cautionner l’Occident hypocrite et grossier.