La Britannique Deborah Levy, récompensée par le prix Femina étranger 2020 pour les premiers volumes de son autobiographie, rassemble ici une trentaine de textes courts publiés au cours de deux décennies. Leur juxtaposition et leurs titres révisés leur confèrent une cohésion inattendue compte tenu de cette forme hybride. Entre deux lettres tendres à des chers disparus (sa mère, un ami), des souvenirs et des miscellanées quotidiennes à l’anglaise mêlées à des portraits d’écrivains et artistes qui constituent son panthéon littéraire. Aucune prétention, au contraire. Parfois affleurent les blessures personnelles (échec de son mariage, solitude, angoisses) vite balayées avec humour et autodérision. Le chagrin recule devant les petites choses de tous les jours : les petites cuillères en argent qui doivent pointer sur l’assiette vers l’œuf à la coque, des citrons qu’il ne faut pas cacher parce qu’ils sont beaux. Une petite montre d’enfant réveille le souvenir d’une grand-mère lituanienne réfugiée en Afrique du Sud. Ses analyses d’œuvres visuelles (Francesca Woodman, Lee Miller, Paula Rego) et littéraires sont courtes mais percutantes. Elle fait une large place aux femmes libres qui l’ont précédée en écriture, qu’elle admire, et lui servent de modèle (Ann Quin, Virginia Woolf, Sylvia Plath, Hope Mirrlees ; les Françaises : Colette, Violette Leduc, Simone de Beauvoir, Marguerite Duras). Un bel hommage sensible et vivant au métier d’écrivain, nourri de féminisme paisible. (T.R. et C.H.)
La position de la cuillère et autres bonheurs impertinents
LEVY Deborah