La position du pion

REIG Rafael

Printemps 1979. Trois amis, leurs femmes et enfants, dans un lotissement proche de Madrid, sont curieux de retrouver un quatrième homme, longtemps disparu aux États-Unis, qui vient s’installer avec son épouse… hors-norme. Deux d’entre eux disputent une partie d’échecs. C’est le début de la démocratie espagnole ouvrant de nouveaux horizons aux ex-militants communistes qui ont fait de la prison en 1962. Johnny, fils d’Isabel, adopté par son mari plombier, est amoureux de la jolie Teresita. Quadragénaire en 2003, il veut éclaircir les zones d’ombre d’un passé qui plombe toujours sa vie…   Ce roman remarquable de Rafael Reig (Ce qui n’est pas écrit, NB avril 2014) jouit d’une narration rigoureuse et d’un style imagé. Chronologiquement déconstruite, sans perturber le suspense, l’intrigue s’inscrit dans l’histoire politique récente de l’Espagne. Une brochette de bourgeois contestataires accepte progressivement des compromissions pour l’argent ou les honneurs. Les personnages crèvent l’écran, particulièrement les femmes désabusées soutenant leurs ambitieux maris. Le narrateur lucide de la génération suivante commente coup par coup la fameuse partie d’échecs, trame symbolique du récit : faute de stratégie, la vie n’est qu’une suite d’erreurs, parfois apparemment anodines comme la position du pion, mais lourdes de conséquences. (L.G. et A.Le.)