En août 1944, la jeune Renée arrive de sa Normandie natale dans une immense maison entourée d’un jardin magnifique, située en Bavière. Cet endroit, Heim Hochland, est une de ces maternités modèles du régime nazi, les Lebesborns, voulus par Himmler pour y faire naître des bébés de race pure. La rousse Renée, seize ans, est enceinte d’un très jeune soldat allemand. De nombreuses femmes vivent là, entourées, soignées dans ce décor de rêve. L’infirmière Helga, grande admiratrice de Himmler et bras droit du médecin en charge du lieu, s’occupe des bébés et de la bonne marche de l’établissement. Marek, un prisonnier famélique, rescapé de Dachau, en est le jardinier. 1945, c’est la débandade. La belle organisation s’effondre…
Même si on connaît bien cette facette du nazisme, l’approche qu’en fait Caroline de Mulder, écrivaine belge et professeure de littérature à l’Université de Namur, est originale. C’est à travers les yeux des femmes, trois principalement, victimes ou non, qu’elle nous introduit dans ce cocon hyper protégé dont le luxe est d’autant plus choquant qu’on est en pleine débâcle allemande. L’auteure décrit dans le détail l’organisation de la sélection des mères volontaires, les bébés enlevés dans d’autres pays qui vont alimenter la pouponnière, les destins de ces enfants qui perdent toute attache, l’euthanasie de ceux qui sont jugés déficients, la stérilisation de leurs mères, les doutes croissants de l’infirmière. Et puis la folie des fuites et des destructions alors qu’approche l’armée américaine. D’une écriture sèche, courte, tonique, tenant le lecteur en haleine, elle fait revivre un épisode terrifiant, monstrueux, de la folie nazie. (A.M. et M.-N.P.)