La punaise était là, sur son bureau. L’élève la chasse d’une pichenette , rate la corbeille et voilà qu’elle atterrit sur la chaise du maître, pointe en l’air. Il fulmine, le coupable reste muet et voilà, de dérapage en dérapage, la planète bouleversée. Le directeur arrête l’école, le maire arrête la ville, le député arrête la région, le président alerte ses collègues. Les dirigeants se réfugient dans leur bunker. Plus rien ne fonctionne, les élèves peuvent écouter la Terre respirer, et comme personne ne signale que le coupable a finalement levé le doigt et reçu le sermon approprié, il ne reste plus qu’à aller à la pêche.Car si on arrête tout, la neige revient sur les sommets et l’eau dans les rivières. Cette fable express est mise en scène dans les aplats énergiques de Thierry Dedieu en noir et blanc sur fond de couleur : vert amande pour l’école et la rivière où un pêcheur nonchalant bouquine, un fil de pêche accroché au gros orteil. L’idée est simple et séduisante : profiter du monde loin des villes aux rues labyrinthiques, aux immeubles écrasants sur fond orange. Des cadrages serrés attirent l’attention sur la chaise et la punaise, la mâchoire indignée du maître. On gagne le ciel pour contempler la mer noire et les bateaux en silhouettes blanches. Un dirigeant affolé erructe une noire fumée, panache symbolique de la pollution. Les présidents accablés, recroquevillés sur leur serviette, se terrent dans leur bunker – conscients de leur responsabilité ? Écolo ? Oui. Rigolo ? Tout autant, pour petits et grands et alimenter les discussions.
La Punaise
MARAIS Frédéric, DEDIEU Thierry