En1994, les machettes des Hutus ont « coupé » dans le marais et la forêt de Nyamata des milliers de Tutsis, contraints de courir et de se cacher comme des antilopes pourchassées pour échapper au massacre. Aujourd’hui, les rares rescapés doivent cohabiter avec les tueurs dont beaucoup ont été libérés par le gouvernement : les Hutus sont majoritaires au Rwanda et nécessaires parce qu’excellents cultivateurs. Mais les deux ethnies, ennemies de longue date, ne peuvent pas vraiment se réconcilier. Remords pour les Hutus, plus ou moins conscients de leur cruauté, et méfiance chez les Tutsis traumatisés y font obstacle.
Hanté par le génocide rwandais qui a fait dévier son itinéraire de journaliste, Jean Hatzfeld témoigne encore après Une saison de machettes (NB octobre 2003). Les récits confiés dans un langage imagé par des survivants pétris d’angoisse et de doute, et par des tueurs, repentants par calcul, sont entrecoupés de réflexions personnelles. L’auteur parvient à inscrire l’Histoire dans son contexte humain, à se faire le trait d’union entre l’Afrique et les Occidentaux désireux de comprendre. Et par devoir de mémoire, entre les vivants et les morts du drame.