Un vagabond mutique et couvert de cicatrices fait irruption dans une propriété d’Estrémadure, en territoire espagnol colonisé. Iossif, officier à la retraite, dur et impitoyable, mais vieux et diminué, y vit en vainqueur avec sa femme. Inexplicablement, Eva, au lieu de chasser l’intrus, le cache dans son potager. Le récit des souffrances physiques et morales endurées par cet hôte inattendu lui fait prendre conscience de son ignorance… Ce deuxième roman de Jesús Carrasco, auteur espagnol au parcours atypique, confirme son sens du romanesque. Dans une atemporalité étrange, son univers imaginaire nous mène d’un soleil brûlant aux confins des camps de travaux forcés dans des contrées enneigées. Peu à peu, le coeur et les yeux de cette femme de militaire soumise s’ouvrent à l’horrible réalité des violents massacres perpétrés par une armée cruelle et destructrice, dont son mari a été l’un des principaux meneurs. Relayée par sa plume sensible et émouvante, la voix de l’opprimé se fait entendre, se mêlant subtilement à sa propre émotion et à la culpabilité croissante qu’elle éprouve pour son aveuglement devant les souffrances endurées par ce peuple et cette terre piétinés. Une fable forte, à l’écriture elliptique, à l’ambiance pesante et oppressante, sur les dérives de la colonisation. (S.D. et M.-N.P.)
La terre que nous foulons
CARRASCO Jesús