En solo continu, elle se parle, dit le quotidien, la colère, l’accablement, l’angoisse, la peur, les souvenirs… Peu à peu, sa silhouette se précise, celle d’une jeune femme avec sa « petite », dans un pavillon de banlieue trop grand, hostile. Cantatrice brillante, elle a perdu sa voix. Mais elle va travailler, leur montrer. Si seulement elle trouvait le bon endroit où répéter « La voix humaine », sans ce papier peint qui la nargue, si les fuites d’eau se tarissaient… Et ce Gabonais qui a loué le sous-sol, veut-il l’envoûter ou la protéger ?… La tête lui part en arrière… Inspire. Expire. Elle repart à l’assaut…
Ce déroulé de l’angoisse s’enfonce avec une énergie démente dans les ténèbres de la paranoïa, amenant le lecteur au bord du gouffre où il regarde, tels des monstres de Bosch, frayeurs, soupçons, ratages, fantasmes qui ne lui sont pas complètement étrangers. L’incertaine frontière entre santé mentale et folie se révèle dangereusement poreuse ; seule la « petite », peau de pêche, rire perlé, se tient côté lumière. Tendu, troué de silences, lancinant, déjà d’une belle maîtrise, ce premier roman d’une jeune cantatrice surprend et inquiète.