Nés tous les deux le 6 août 1945, jour de l’anéantissement d’Hiroshima, Paul et Thomas sont inséparables. Voisins à Natchez, petite ville sur le Mississipi, l’un comme l’autre ils ont vécu le deuil et le manque. Absence du père pour Thomas, élevé en tête à tête avec sa mère, mort du frère aîné de Paul, tué en Corée. Après l’enfance qui a vu se construire leurs personnalités contrastées, ils partagent une adolescence faite de confidences paresseuses, parties de pêche, scolarités sans éclat, jobs d’été ingrats avec en contrepoint la musique d’Elvis, le sourire aguicheur de Marilyn, les flippers et les soft drinks… Au fil des années, Thomas adhère de moins en moins aux idées racistes de la middle class américaine prônées par Paul, beau, sûr de lui et pragmatique. Les premières aventures amoureuses altèrent aussi quelque peu leur intimité puis, à dix-huit ans, Thomas, bouillonnant de questions existentielles, entre à l’université tandis que Paul travaille à l’épicerie paternelle. L’écart se creuse. Survient alors la lumineuse Claire, fascinante d’indépendance, dont Paul s’éprend.
Philippe Besson reste dans la veine américaine qu’il semble affectionner. Les événements clés de la seconde partie du XXe siècle aux États-Unis, de la guerre de Corée à celle du Vietnam, en passant par le fiasco cubain et l’assassinat de Kennedy, jalonnent le récit-confession de Thomas.
Les thèmes de l’auteur – amitié fraternelle, sensualité, culpabilité, vulnérabilité, conscience politique – en font un roman plus intense qu’une simple histoire d’amour dans les années soixante. La tension au crescendo très maîtrisé est quasi-cinématographique. Quant au tempo et au style, ils s’accordent aux sentiments : élégants, sobres, parfaitement justes. Difficile de résister à ce dixième roman de Philippe Besson !
E.L. et C.G.