Se détacher pour ne plus souffrir. D’une jeune femme qui vient de le quitter. Et peut-être aussi d’une ombre surgie du passé avec qui renouer un rêve. Choutov, émigré russe, écrivain à demi-succès, quinquagénaire las de Paris, part pour Saint-Pétersbourg. Il est désarçonné. Sa terre natale singe l’Occident. Mais une rencontre imprévue et inoubliable donne un sens à sa fuite : un vieillard, autrefois chanteur, réputé muet, lui raconte sans amertume sa vie cruellement brisée par la guerre et le régime soviétique.
La musique d’Andreï Makine dégage, encore une fois, humanisme et émotion (L’amour humain, N.B. déc. 2006). Une construction classique, une écriture limpide et poétique, et une belle leçon de sagesse. L’écrivain dit sa distance vis-à-vis de l’argent et des honneurs, son dégoût de la violence, son admiration pour l’humble courage des anonymes, son amour de la nature. Sa musique murmure le refrain poignant de la possibilité d’une grâce. Invulnérable malgré l’horreur : l’absolu accordé d’un chant et d’une volonté ou la communion tendre d’une rencontre. Andreï Makine est l’un et l’autre des deux personnages qui entrent en résonance.
L.G. et C.R.D.P.