Demain les bulldozers viendront démolir la vieille ferme et abattre ses arbres centenaires pour faire place à un chantier routier. La femme seule qui y vit encore doit partir. Le hêtre de la cour est le témoin le plus ancien de la construction du bâtiment en 1910. Il a tout vu, alors c’est lui qui commence à raconter les générations qui se sont succédé dans les murs de la maison. Il est relayé par le pommier, la vigne vierge, la mousse, le roncier. La croix érigée sur une hauteur, la rigole, et une chouette philosophe ont elles aussi leurs souvenirs et points de vue à rapporter.
Le pari était risqué de faire parler des êtres inanimés pour faire revivre un lieu et son histoire. Pari réussi par Louise Pommeret, et l’illustratrice Virginie Billaudeau. Les intervenants successifs du récit sont subtilement caractérisés par des décalages d’expression (un arbre ne voit pas et ne parle pas comme une croix de granit, un coussin de mousse ou une hulotte). Ils se répartissent la parole en fonction de leur expérience des humains et de la chronologie, nous apprennent l’histoire des propriétaires, le déclin de la ferme, l’abandon progressif de la maison jusqu’à ce qu’une femme s’y réfugie avec son enfant, et y trouve résilience et amour pour un temps. Récit élégiaque émouvant sous tendu par des accents plus dénonciateurs visant l’homme destructeur de ses propres milieu naturel et mode de vie. (T.R. et E.M.)