Mounir, quarante ans, Marocain, est l’auteur d’une thèse sur Fragonard et le roman libertin au XVIIIe siècle. Il vit bien dans un deux-pièces du Marais à Paris, mais se sent transparent et préfère les « richesses » cachées du 93. Malgré des conditions de vie privilégiées, il ne supporte plus les bruits – inévitables – que font ses voisines. Il n’en dort plus. Après des paroles malheureuses adressées à celle du dessus, la courageuse madame Marty qu’il aime profondément, le voilà soupçonné d’être un islamiste radical et mis à la question par un policier… qu’il connaît bien. Abdellah Taïa (Un pays pour mourir, HdN janvier 2015) fait revivre le passé et le présent du narrateur : adolescent homosexuel violé au Maroc, il a fui vers la France où il est devenu un intellectuel, tiraillé avec lucidité entre ses différentes identités. Folie, liberté, solitude, ambiguïté peuplent sa vie intime. La construction (paragraphes brefs) comme l’écriture tendue, hachée (phrases courtes), rendent intense sa quête effrénée d’amour, de sexe et de lui-même. Les rapports avec sa voisine et sa cousine ne manquent pas de saveur et respirent une belle humanité. Au total, un roman déroutant, original, qui ne peut laisser indifférent. (D.D. et A.Le.)
La vie lente
TAÏA Abdellah