Frank ne parle pas. Il a neuf ans lorsqu’en 1942 la police française et la Gestapo arrêtent et déportent ses parents. Rescapé de la rafle, il est envoyé dans le Midi chez une « Grand-mère-de-la-guerre » puis dans un pensionnat catholique assez rigoriste. Son père revient mais il a perdu la raison. On retrouve l’adolescent à Paris, errant, malade, misérable, puis sur le paquebot Liberté, miraculeusement en route vers le bonheur. Stéphane Arfi, sociologue et journaliste exigeant, passionné, écrit un premier roman original où le narrateur discute en silence avec de drôles de personnages, ses doubles, ses confidents. Son regard innocent, naïf, sur les rafles va droit au coeur. Il ressent l’atmosphère du sud de la France avec la finesse d’un petit observateur curieux, perspicace. La religion le tourmente : jeune Juif confronté au « Bon Dieu » des catholiques, il n’a guère confiance en ce personnage bizarre si souvent évoqué. Tout ceci, prenant, émouvant, plein d’esprit, est magnifié par une écriture d’une rare inventivité. Des mots, des idées, des situations, tant de trouvailles surprennent tout au long de ce roman dont le rythme enfle, s’emballe jusqu’au délire et à l’explosion lorsque la souffrance accouche enfin du bonheur. (V.M. et A.M.)
La vie magnifique de Frank Dragon
ARFI Stéphane