Dans le cercle familial réduit à cinq adultes d’Alain Fleischer, tout un faisceau de langues se déployait en entrelacs : enfant il entendait parler français avec un accent hongrois ou espagnol ; anglais et espagnol avec les accents hongrois et tchèque mélangés… Cette immersion originelle dans les eaux mêlées de diverses langues explique sa sensibilité aux questions de plurilinguisme. L’accent est la trace, le fantôme de la langue d’origine dans la langue nouvelle ; il se présente comme une offrande de la langue première à la langue seconde et prouve que les échanges entre langues sont non seulement possibles mais féconds.
Alain Fleischer explore notamment les rapports entre accents et affects. Les mouvements migratoires massifs dus aux cataclysmes du XXe siècle ont entraîné une contamination des langues les plus diverses par un accent venu d’ailleurs. En linguiste, l’auteur en étudie l’impact sur le cinéma parlant. Ses analyses approfondies de films célèbres incitent à les envisager sous un angle inédit, mais il pousse parfois la subtilité jusqu’à des degrés de sophistication nuisant à l’intelligibilité des propos.