Lake Success

Barry Cohen, quarante-trois ans, richissime gestionnaire d’un fond spéculatif de plus de deux milliards de dollars, est en crise sur tous les fronts. Suspecté de « délit d’initié », il redoute l’enquête de la Commission Boursière ; son fils de trois ans vient d’être diagnostiqué relevant d’un « spectre autistique sévère » ; sa brillante et jeune femme, Américaine d’origine tamoule, débute une liaison extra-conjugale. Déboussolé, il abandonne précipitamment son très cher appartement de Manhattan et cherche à gagner le Nouveau Mexique. À El Paso vit son premier amour…  Après les grands, Kerouac, Steinbeck, London, Fitzgerald, Auster, Nabokov… Gary Shteyngart (Mémoires d’un bon à rien, NB mai 2015) propose au lecteur un road trip. Ici, à la recherche d’une simplicité rédemptrice, en car Greyhound économique sur des routes plus minables que mythiques. Son héros est agité de sentiments peu compatibles : nostalgie, culpabilité, expiation, financiarisation, souci de lien et de réhabilitation, traverse le pays vers un bonheur hypothétique. Malgré le thème rebattu de sa quête, le livre retient par une complexité qui échappe aux stéréotypes. Deuxième personnage du roman, l’Amérique, multiethnique, multiculturelle, est incarnée avec vigueur, finesse, profondeur, humour voire crudité. Intrigué, on embarque volontiers dans le bus sans confort.  (C.R.P. et J.M.)