Après Grande carcasse (NB janvier 2010), voici le second volet de cette série consacrée à l’interrogatoire de Polza à la suite du meurtre de Carole. Plus qu’interroger le suspect, les policiers doivent surtout le laisser parler car, à la première interruption, il se renfonce dans un profond mutisme. Le clochard philosophe délivre donc un long monologue qui passe en revue sa vie d’alcoolique assumé : l’ivresse est une libération. De l’alcool, il passe à la drogue en compagnie de Jacky, dealer de génie. Il est toujours à la recherche du « blast », l’illumination physique et mentale qui envahit tout son être, tandis que son esprit flotte entre des représentations sanguinaires ou dépaysées.
Le trait incisif d’un dessin très noir, mais joliment nuancé de gris, s’illumine parfois de couleurs, au rythme des états d’âme du récitant qui sort de ses tripes une sorte de psychanalyse en images. Et si nous récoltons au passage quelques maigres révélations sur l’affaire, l’essentiel est un questionnement sur le mode de vie des deux marginaux dont les caractères sont scrutés dans les moindres détails au fil des deux cent pages d’un ouvrage attachant et sensible.