« La nuit était tombée sur l’Ukraine ». Une ville bombardée. Dans ce monde à l’envers où « un orage gronde comme une salve d’obus », vit une jeune femme, K, entre l’appartement de sa mère mourante et la grande bibliothèque dont elle est l’archiviste. On a caché, dans les sous-sols, tous les trésors de la ville : statues, objets d’art, livres… qu’elle répertorie assidûment. Survient un homme, manteau noir et feutre, incarnation du Mal. Il lui propose un marché diabolique : falsifier les œuvres qu’il lui désignera, pour les défaire de leur signature ukrainienne, contre la vie de sa mère, puis de sa sœur.
Le dénouement met un point final tragique au récit de ce lent supplice, sans ellipses ni raccourcis, rythmé dramatiquement par ces rendez-vous. L’intrigue, évidemment plausible, sert d’ancrage à une réflexion plus générale et tout aussi poignante sur ce qui fait l’identité d’un peuple : sa langue, sa culture que l’envahisseur s’applique à réduire à néant ; « détruire ce qui est pérenne », tous les conquérants l’ont tenté pour dénaturer un peuple en le privant de son essence. Nous voici de plain-pied, émerveillés et un peu honteux, parmi ces esprits qui ont fait l’Ukraine, ses événements, ses couleurs, ses parfums, sa terre. La romancière leur rend vie dans la langue pure de l’émotion et de la fierté de rester soi, en feignant de plier comme le fait son héroïne. L’hommage est celui d’une résistante. (C.B et J.G)