L’atelier des morts

CONROD Daniel

Dans la famille Fabien, originaire du terroir traditionnellement campagnard et catholique de Franche-ComtĂ©, les vivants, membres d’une mĂȘme fratrie, en tracent cinq portraits au vitriol. Ils font la part belle aux ascendants : le pĂšre, sa premiĂšre Ă©pouse morte jeune et leur oncle, un abbĂ© dont la conduite louche, dans les annĂ©es quarante, a Ă©tĂ© sanctionnĂ©e par un long emprisonnement. À cela s’ajoutent un frĂšre aĂźnĂ© peu aimĂ©, mort dans la force de l’ñge, et une petite soeur disparue Ă  la naissance qui fait figure d’exception dans ce jeu de massacre. Dans un style qui, alternativement, claque en courtes phrases ou se dĂ©veloppe en circonvolutions vĂ©nĂ©neuses, l’auteur (Moi les animaux, NB mai 1996) laisse les vivants rĂ©gler leur comptes avec une violence inouĂŻe. Les maladies de l’ñme et du corps sont abondamment Ă©talĂ©es avec leur cortĂšge de dĂ©tails morbides, le poids de la tradition dĂ©noncĂ© avec vigueur, les vieilles rancoeurs et les non-dits toujours Ă  l’oeuvre pour entretenir les blessures profondes de l’enfance : perte de la mĂšre, haine du pĂšre tyran, refus parental de l’homosexualitĂ© d’un fils. Un livre fort et talentueux qui Ă©branle et peut traumatiser. (L.K. et B.D.)