Dans la famille Fabien, originaire du terroir traditionnellement campagnard et catholique de Franche-Comté, les vivants, membres d’une même fratrie, en tracent cinq portraits au vitriol. Ils font la part belle aux ascendants : le père, sa première épouse morte jeune et leur oncle, un abbé dont la conduite louche, dans les années quarante, a été sanctionnée par un long emprisonnement. À cela s’ajoutent un frère aîné peu aimé, mort dans la force de l’âge, et une petite soeur disparue à la naissance qui fait figure d’exception dans ce jeu de massacre. Dans un style qui, alternativement, claque en courtes phrases ou se développe en circonvolutions vénéneuses, l’auteur (Moi les animaux, NB mai 1996) laisse les vivants régler leur comptes avec une violence inouïe. Les maladies de l’âme et du corps sont abondamment étalées avec leur cortège de détails morbides, le poids de la tradition dénoncé avec vigueur, les vieilles rancoeurs et les non-dits toujours à l’oeuvre pour entretenir les blessures profondes de l’enfance : perte de la mère, haine du père tyran, refus parental de l’homosexualité d’un fils. Un livre fort et talentueux qui ébranle et peut traumatiser. (L.K. et B.D.)
L’atelier des morts
CONROD Daniel