Porté par une belle écriture classique, ce roman de la gémellité, qui explore durant un demi-siècle le milieu de l’art et de la politique, s’entend à deux voix : celle de Gilles, énarque, lucide et mondain, ministre de Chirac, celle de Guillaume peintre maudit dont les sujets morbides reflètent une sexualité torturée et ambiguë, une religiosité vénéneuse, une sensibilité toujours excessive exprimée en termes précieux, en mots affûtés. Des images poétiques s’enchaînent exaltant les paysages de Bretagne, la maison familiale, l’enfance marquée par un grand-père à l’influence déterminante. Les plus belles pages du récit sont consacrées à ce désir de complémentarité des frères jumeaux qui essaient d’ exister dans l’ unicité. Le balancement des phrases répond à celui des marées qui découvrent Brume, le bateau échoué, point de ralliement où s’échangent depuis 1960 confidences, souvenirs, douleurs et attente de l’autre. Avec cette langue si fluide, précise, aux savantes références culturelles déjà remarquées dans Fleur de tempête (NB avril 2008), Philippe Le Guillou vit une relation passionnée qu’il sait faire partager.
Le bateau Brume
LE GUILLOU Philippe