On pourrait entrer dans cet album sans rien connaitre du genre littéraire fantastique et se laisser séduire par le dessin virtuose et inquiétant de Daria Schmitt et envouter par son scénario énigmatique. Mais la très élogieuse préface de Philippe Druillet – maitre de la SF – cite d’emblée H.P. Lovecraft, « enchanteur et maléfique » écrivain qui vécut aux USA au début du XXe. Nous voilà prévenus !
Ainsi Daria Schmitt invite H.P. Lovecraft sous les traits mêmes du héros. Le gardien du parc se nomme Providence ? Oui, c’est aussi le nom de la ville natale de Lovecraft ! On rencontrera un chat bavard nommé Maldoror, des enfants espiègles, un trio de vieilles femmes qui tricotent, un Livre bien mystérieux et une directrice aux méthodes technocrates et aux discours pompeux. On ne comprendra peut-être pas tout mais on se laissera gagner par la poésie puissante de ce récit, le flottement spatio-temporel, l’étouffante unité de lieu, la permanence des brumes, volutes et mouvements aquatiques, la beauté du trait noir et des couleurs rares et sombres, l’atmosphère horrifique et l’usage d’une mythologie inspirée de la science qui passionnait Lovecraft.
C’est un album aussi étrange que magnifique avec un petit souffle d’humour inattendu et rafraichissant.
(BV-MT)