« La Vérité, avec un grand V, pas ça, pas moi. » Barbara Bla-bla-bla Cassin, philosophe, choisit des anecdotes et des souvenirs allègrement contés pour dégager le passage du quotidien aux concepts, retrouver « le terreau ou la chair des idées » comme vie, mort, religion, poésie, amour, être femme, juive, mère, linguiste ou enseignante auprès d’enfants psychotiques… Parmi beaucoup d’autres, une anecdote (son fils, Samuel, deux ans, qui a fait dans sa culotte, le nie et s’autoproclame menteur) illustre avec drôlerie cette approche.
Pendant l’enfance, auprès de parents artistes et aimants pour qui tout est libre et possible, des mots, des moments façonnent le jugement et la pensée de l’académicienne. À l’école, le grec lui ouvre le trésor des présocratiques et forge son regard sur un monde mouvant et relatif. Elle échoue huit fois à l’agrégation (« il y faut du talent, pas du génie ! »), épouse Étienne, moniteur d’équitation – sa mort occupe la troisième partie du livre, bouleversante -, ils ont deux fils. Arrivent mai 68 et l’université alternative. Des livres. Des rencontres, les amis, René Char, Heidegger, Lacan, le mémorable séminaire du Thor; la Grèce, toujours la Grèce et ses dieux, Ulysse, la Corse, Mandela… Érudite, elliptique, joyeuse, cette singulière autobiographie aborde la vie à partir de ces « croisements » – « précisément le contraire d’un destin ». (M.W. et A.Lec.)