Morne métro ou périphérique encombré, le trajet est quasi quotidien vers sa belle-fille qui se meurt d’un cancer dans un hôpital de banlieue. À cette mort attendue se mêle un tragique souvenir, vieux de trente-six ans : la guerre finissait, l’ami résistant du narrateur a été capturé par un officier SS, puis exécuté. Les circonstances étaient alors exceptionnelles, comme les deux personnages affrontés : le Russe nazi, proche d’Hitler, d’une maléfique puissance, et son jeune adversaire, alpiniste au corps aérien, joyeux, efficace. Aujourd’hui, dans une vie médiocre encombrée de soucis, vieilli, fatigué, lourd du passé, le narrateur accompagne de son empathie la souffrance de ses proches.
Contrastés, les deux récits alternent, parfois difficilement. Celui d’autrefois, aux couleurs de la jeunesse, vibre de la violence de la guerre, de la grandeur épique des protagonistes. Celui d’aujourd’hui se ternit de la banalité du quotidien. Mais tous les deux aboutissent à la mort, tandis que le narrateur-témoin s’approche de la sienne. Nous avions aimé L’enfant bleu (N.B. août-sept. 2004), Henry Bauchau, poète, psychanalyste touche encore par sa sensibilité pensive et le rendu délicat de sentiments complexes.