« Qu’as-tu fait, papa, pendant la guerre? »… Et moi, qui suis-je ? Et qui est l’autre ? Un homme plus très jeune, écorché, faussement cuirassé, plutôt solitaire, misanthrope décalé, retranché sur lui-même et pourtant plein de l’autre, interpelle son père, parle de lui et à travers cet homme, fantôme occulté et recherché, se raconte, interroge sa propre identité, celle d’autrui, et se demande où est sa place parmi les hommes. Cent quarante pages sombres, cinq petits chapitres en saccades brouillonnes, comme hoquetées, au phrasé court, à la ponctuation hachée. Est-ce un roman que propose Jacques Richard dans cette quête du père disparu ? Une enquête psychologique ? Une introspection bavarde, un peu adolescente ? Une méditation circulaire que l’obsession limite ? Un jeu de miroir brisé qui renvoie de lui-même une image fissurée, fragmentée et multiple, dans laquelle s’enchevêtrent jusqu’au flou sa figure et celle de l’autre, de tous les autres ? Une rumination philosophique lugubre sur le rapport du genre humain à la pauvreté, au partage, à la banalité du mal, à la mort donnée et reçue ? Le lecteur dérangé, déstabilisé, s’agace et puis finit par s’émouvoir… Le père était un volontaire français… un Waffen-SS. (C.R.P.)
Le Carré des Allemands
RICHARD Jacques