Le chagrin d’aimer

BRISAC Geneviève

Elles sont trois à l’arrière de la voiture conduite par leur mère, scénariste talentueuse mais conductrice inexpérimentée. Une mère qui fume, boit, séduit, se bat pour vivre et chaparde avec bonne conscience, une égoïste qui ne sait pas aimer, se dit apatride, sans famille et dégoûtée de tout. Fascinée, agacée et chagrinée, l’une des filles essaie de comprendre et de trouver les mots…  Sans se départir d’un ton ironique et enjoué, l’auteur (Vie de ma voisine, NB mars 2017) cache une grande pudeur de sentiments et s’attendrit devant la figure maternelle qu’elle adore. Experte en relations familiales, elle brosse la généalogie rocambolesque d’une lignée d’Arméniens catholiques échappés du génocide : une aïeule danseuse de charme, une grand-mère immigrée en France. Elle enquête pour reconstituer le passé occulté, apprend les guerres, les suicides, la déchéance, mais aussi les fastes et les folies amoureuses de ce monde disparu dont elle est l’héritière. En courts chapitres, elle anime des saynètes drolatiques et imagées, théâtre d’une petite fille devenue grande avec, dans le rôle principal, la femme aimée, fantasque, provocatrice et inatteignable. C’est vivant, émouvant, pathétique : une Antigone aux prises avec son devoir de mémoire.  (M.-A.B. et M.R.)