Le chien de Dieu

DUFAUX Jean, TERPANT Jacques

Lourde tâche pour les auteurs que d’arriver à faire un portrait de Céline tenant compte à la fois de son immense talent d’écriture et des multiples facettes de cette personnalité sombre aux idées sulfureuses. Pari réussi, la biographie est à la dimension du personnage !Comment croquer le portrait le plus fidèle possible de Céline ? Comment exprimer de l’admiration pour son style fulgurant si original, sans pourtant oublier sa personnalité sombre, ses idées insupportables, son antisémitisme notoire, ses amitiés controversées avec les Allemands et sa présence à Sigmaringen à la fin de la guerre ? C’est à cette lourde tâche que se sont attelés Jean Dufaux et Jacques Terpant en évoquant la fin de la vie de Louis Ferdinand Destouches, alias Céline dans sa villa de Meudon. Tandis que Lucette, sa femme, donne des leçons de danse, Céline, entouré de son chat et de son perroquet, écrit son dernier roman, Rigodon. Soudain, lors qu’il sort les poubelles avant la pluie, le fracas du tonnerre fait émerger des souvenirs. D’abord, la guerre de 1914 où il affronta la mort, sabre au clair (Le Voyage au bout de la nuit). Puis Elisabeth Craig, son amour de jeunesse, le Goncourt manqué au profit de la maigre consolation du Renaudot, ses relations houleuses avec Gaston Gallimard, son amitié avec Arletty, son expérience de médecin des pauvres et des marginaux…Mais que serait Céline sans son écriture magique créée au prix d’un énorme travail de mise au point à la hauteur de ses exigences ? La biographie de ce génie littéraire est à la dimension du personnage. Les auteurs n’en négligent pas les aspects sombres et désagréables, traduits par les illustrations réalistes de Terpant qui fait baigner ses noirs-&-blancs dans des variations de sépias souvent ténébreux. Ils soulignent également la lucidité désespérée avec laquelle il aborde les autres ainsi que l’impératif d’excellence qu’il impose à son écriture, une sorte de langage argotique des faubourgs, toujours clair et incisif, (qui d’ailleurs accompagne cet album par des interventions en voix-off). Une BD exigeante qui permet de découvrir ou redécouvrir l’homme à travers ses multiples facettes. Elle se déguste goulûment de la première à la dernière page. (D.L. et Y.H.)