Le cimetière de pianos

PEIXOTO José Luís

À Lisbonne, en ce début du XXe siècle, morts et naissances rythment les vies de la lignée des ébénistes Lazaro avec un étrange et précis synchronisme qui rend chacune des destinées inéluctablement liée, presque transposable, à celle des ascendants et parfois des collatéraux. Deux voix dominantes, très différentes, racontent la même histoire. Celle d’outre-tombe du grand-père mort depuis longtemps déjà, lointaine, attendrie, attentive, mais trompeuse car elle en occulte les âpretés. Celle haletante du fils courant son ultime marathon vers la mort, réaliste, tourmentée, sincère. Elle n’omet ni heurt, ni bonheur, ni leurre.  José Luis Peixoto (Sans un regard, NB décembre 2004) parvient à unifier cette alternance, parfois acrobatique, par son écriture simple, sensible et subtile. Chaque ambiance devient tangible, chaque sentiment devient palpable. Dans la sciure qui vole, odorante dans le soleil, omniprésente comme un trait d’union trans-générationnel, la chaleur est visible, le silence audible, l’attente pesante, la joie parfumée, le temps manifeste, l’ordinaire vibrant. Ce relief puissant et mélancolique empoigne et déroule le cours inexorable, répétitif et décevant des vies.