Le code de l’art

GUÉRIF Andy

« Le code de l’art », qui connaît ? Encore un ouvrage de spécialiste ou quelque méthode savante pour faire partie du cénacle ? Rien de tout cela ! Bienvenue dans un album ludique où nous accueillent, en hologramme sur la page de couverture, Le Rhinocéros rouge de Xavier Veilhan et le panneau de signalisation « Interdit aux poids lourds ». Le ton est donné. Page après page, un pictogramme, une oeuvre d’art, pour le plaisir de rapprochements insolites et (im)pertinents. La signalisation routière est à l’honneur : le panneau de station-essence mène à Edward Hopper, le Fuji Yama d’Hokusai s’aplatit en dos d’âne. Le repérage graphique des lieux publics trouve aussi sa place : le panneau de sortie d’école accueille Tobias et l’archange Gabriel ; dans l’espace pour bébé, on peut croiser celui de Keith Haring ; si vous cherchez une chambre, pensez à celle de Van Gogh. Comme rien n’échappe à ce balisage, l’entretien des vêtements, naguère confié à La repasseuse de Degas, a son étiquetage imposé. Ici on saute du coq à l’âne sans complexe !

Par où commencer ? La lecture du panneau, en page de gauche, conduit logiquement à celle de l’oeuvre d’art, en page de droite. L’auteur lui-même résume ainsi son projet : « L’idée : utiliser des panneaux de signalisation, ces images normalisées et omniprésentes dans le quotidien pour découvrir, par association, des oeuvres d’art complexes, singulières et méconnues ». Le rapprochement est souvent drôle, et l’attention portée à l’oeuvre enrichie par le point de vue suggéré. La démarche, ludique, autorise l’humour, voire l’irrévérence ; elle stimule la curiosité, loin de l’admiration codée des musées, qui sont néanmoins répertoriés dans une brève muséographie « anachronique » en fin de volume. Certains des artistes choisis invitent d’ailleurs  à bousculer les codes : Daniel Spoerri dont La Douche est un « Détrompe l’oeil », Georges Rousse qui habille, en fin de parcours, un couloir d’hôpital. L’art ne tombe pas dans le panneau de l’académisme et ce florilège intelligemment mis en scène en témoigne. Les passerelles qu’il jette entre deux types de représentations symboliques : le pictogramme, minimaliste, apparemment universel et l’art qui serait, lui, culturellement déterminé, mettent en lumière leur parenté, dans un va et vient de l’une à l’autre : elles sont un langage également accessible, également complexe.