Le colibri

VERONESI Sandro

Il y a Marco, marié à une épouse désaxée, et le psychanalyste atypique de celle-ci, il y a Duccio l’innommable, son ami qui porte la poisse, il y a ses parents désunis, sa sœur suicidée, son frère avec lequel il est brouillé, et Luisa son grand amour, et encore sa fille puis sa petite fille…

C’est l’histoire du Colibri, pivot central et immuable d’une vie familiale jalonnée par le malheur, dont il est à la fois l’acteur et le spectateur. Sa vie amoureuse restera à jamais inaccomplie entre un mariage basé sur le mensonge et un amour platonique. Parce que, lui écrit son amante, il « met toute son énergie à rester immobile », comme l’oiseau du même nom. Elle, contrairement à lui, est en perpétuelle reconstruction. Classique dans leurs échanges épistolaires, le style et la construction adoptent, pour conter les destinées familiales, une tournure bien différente. En de courts chapitres, les phrases longues, obsessionnelles, suivent alors les méandres d’une mémoire faisant fi de toute narration linéaire. On sait que Sandro Veronesi , contrairement à son héros, est féru de psychanalyse et le livre en est imprégné. C’est un roman ambitieux, exigeant, à l’architecture complexe, syncopée, éclatée, parfois déconcertante, qui rassemble en un sombre kaléidoscope les fragments épars d’une saga familiale. Il faut tout le talent de l’auteur de Chaos calme pour réussir ce tour de force : assembler ce puzzle, sorti de son imagination, mais tellement humain. (M.-N.P. et A.C.)