Joseph Strauber voit sa vie changer à quarante-six ans : cet obscur fonctionnaire, falot et timoré, d’une vaste « République » innommée, est promu « Délégué » dans un District lointain. Un très long voyage en train, bateau, camion, lui fait rencontrer notamment un intellectuel cynique et un « Délégué » tyrannique, aux enseignements stériles. Arrivé à destination, exilé dans une maison isolée, sans argent, assisté d’une femme de ménage apparemment terne, il tente de remplir son rôle, en principe polyvalent. Tâche difficile car mal définie, d’autant qu’un affairiste et un « staroste » tirent en fait les ficelles.
Premier roman de Didier Desbrugères, passionné d’écriture, l’ouvrage décrit dans une langue précise l’anéantissement progressif de son anti-héros. La peinture détaillée des lieux, des ressorts psychologiques, des personnages aux comportements guidés par l’obsession de leur survie dans un cadre terne est prenante jusque dans ses excès. Le style lent et mélancolique, évocateur du XIXe siècle, générateur d’angoisse et de frustration, retient l’attention et fait désirer une suite à cette fiction triste et prometteuse.