Un pêcheur vit seul dans une maison sur pilotis en bordure de plage. Le soir, Crisóstomo a pour unique interlocuteur un grand pantin en chiffon au sourire cousu de rouge, acheté à la foire. Il essaie d’imaginer que c’est un enfant pour de vrai, le fils qu’il se cherche désespérément à quarante ans car sa solitude fait de lui un homme « incomplet ». Or, un beau matin dans le village voisin, Camilo, un orphelin de quatorze ans se présente pour travailler sur le chalutier du patron de Crisóstomo. Et voilà l’adolescent, largué dans la vie après la mort de son grand-père, apprivoisé à petits pas, envoyé à l’école, généreusement pris en charge et aimé comme un fils. Cette nouvelle paternité transforme Crisóstomo et quand un soir une femme désespérée, rejetée de tous, vient s’asseoir devant la mer, il va lui faire à elle aussi une place dans la petite maison ; amour et convivialité en font dorénavant un palais accueillant pour toute une petite tribu… Dans cette fable, à la fois morale et drolatique, aux multiples personnages étranges, cabossés par la vie, le style tour à tour imagé, coloré, cocasse, est empreint de naïve fraîcheur et de chaleur tout africaine. L’auteur, Victor Hugo Mãe, un Portugais né en Angola, sait avec beaucoup de talent mêler gravité et fantaisie, désolation et vitalité, réalisme du quotidien et poésie ailée. Quant à la magie, elle n’est jamais bien loin pour aider le rêve à devenir réalité… Tout cela donne un hymne à la famille – fut-elle inventée, composée de bric et de broc – et une mise en exergue de la tendresse humaine forte de son pouvoir de rédemption. Ainsi, toutes les scènes de ce roman inclassable sont-elles imaginées pour illustrer ces liens sociaux chaleureux qui, sel de l’existence, permettent de dépasser les clivages pour accueillir chaque être, aussi différent ou méprisé soit-il et recoller les morceaux des coeurs brisés. Un merveilleux moment de lecture et un beau défi à l’égoïsme et à la morosité ! (B.V., A.Le. et C.G.)
Le Fils de mille hommes
MÃE Valter Hugo