À Raztoky, petit village de Slovaquie (alors dans l’Empire austro-hongrois) les habitants vivent au rythme des travaux agricoles saisonniers, s’entraident, respectent leurs notables : doyen, maire, notaire. En 1914, les jeunes gens sont envoyés au front, bétail et vivres sont réquisitionnés, les cloches sont fondues. Famine, terreur s’installent, le tissu social se déchire. Adam, paysan rebelle, déserte et revient parmi les siens pour retrouver sa femme. La mort suspecte de celle-ci le conduit à une vengeance organisée et au rôle de justicier, car dans un pays dévasté les conflits de voisinage, les frustrations, l’iniquité des puissants aboutissent en 1918 à de sordides règlements de compte. Milo Urban (1904-1982) peint une fresque paysanne aux nombreux participants dont il décrit les comportements individuels habituellement paisibles. Il montre les conséquences dramatiques de la première guerre mondiale sur une population soumise à des chocs psychologiques et sociologiques bouleversants. Mais le personnage central du roman est le village considéré comme une entité ; on en ressent les palpitations dans un quotidien cruel et exceptionnel. Sans références historiques, la qualité d’écriture et la sensibilité, aux accents révolutionnaires et anticléricaux, d’un auteur de vingt-trois ans, dressent un réquisitoire implacable contre la guerre.
Le fouet vivant
URBAN Milo