Rescapé d’un ghetto, Ervin, caché dans une cave, est pris en pitié par un groupe de Juifs apatrides qui, lors de la débâcle allemande, fuient à travers l’Europe. Indifférent à ce qui l’entoure, il se réfugie dans le sommeil où il reconstruit sa vie passée. À Naples, enrôlé par un émissaire de l’Agence juive, il subit une formation militaire, apprend l’hébreu, devient Aharon. Transporté clandestinement en Palestine encore sous mandat britannique, blessé à son premier combat contre les Arabes, il parle en rêve à ses parents, décide de se consacrer à l’écriture et de retourner dans les Carpates, sur les lieux de son enfance.
Né en Bukovine en 1932 et, de même que son héros, adolescent à la fin de la guerre, l’auteur a pu puiser dans son propre parcours les éléments qui donnent au récit son accent de véracité (cf. Et la fureur ne s’est pas encore tue, NB décembre 2009). Il faut entrer dans la psychologie d’un jeune homme marqué par sa judéité, ayant perdu ses racines, jeté dans un monde en gestation, et admettre qu’il trouve sa voie en conversant avec des disparus. La diversité des migrants qui abordent en Palestine, les problèmes auxquels ils se heurtent, leurs réactions forment un tableau vivant et attachant.