Chargés par « l’Organisation » de la protection d’un immeuble élevé, à l’architecture compliquée, Harry et Michel assurent le gardiennage, reclus dans un sous-sol aménagé sommairement, dans la pénombre, avec une porte, seul accès à l’édifice. Leur rôle est strictement limité à la protection des habitants ; leur ambition est de gagner « l’élite », soit la surveillance d’une résidence privée. L’arrivée mal perçue d’un troisième gardien et la recherche du dernier occupant à n’avoir pas fui le complexe conduisent les deux hommes à s’affranchir des bornes de leur mission et les mènent dans les étages où ils connaissent des expériences inattendues. Peter Terrin réussit par son écriture à rendre le côté obscur, méticuleux, de cette tranche de vie des deux personnages principaux de son roman, enfermés dans leur règlement et leur horizon limité. Leur ignorance des événements extérieurs et l’amenuisement de leur curiosité à l’égard de ce qui sort de leur fonction créent un climat hallucinatoire très prenant. Les invraisemblances du récit et le manque d’action ne masquent pas la préfiguration de ce que pourrait devenir la vie dans un avenir plus ou moins lointain. Déroutant et talentueux.
Le gardien
TERRIN Peter