Vicente Rosenberg a quitté la Pologne en 1928 pour Buenos Aires. Il a vingt-cinq ans, retrouve Ariel, un ami juif de Varsovie qui a également émigré avec toute sa famille. Vicente épouse Rosita, ils ont trois enfants et mènent une vie heureuse, la question juive est loin derrière lui. Sa mère lui écrit régulièrement ; il ne répond que rarement, jusqu’au jour où elle lui apprend la création d’un mur, celui du ghetto. Vicente sombre alors dans un mutisme total. Santiago H. Amigorena (Des jours que je n’ai pas oubliés, HdN janvier 2014) livre le regard de l’exilé. La vie dans les bons quartiers de Buenos Aires, entourés d’Argentins de souche ou immigrés, crée une atmosphère légère. Petit à petit, les lettres du pays quitté il y a longtemps, les nouvelles des journaux étrangers ravivent la judéité des personnages, le climat devient pesant. Femme et enfants ne parviennent pas à amorcer un dialogue. La hantise de la maladie, de la faim, des mauvais traitements dont la mère de Vicente peut être l’objet, l’incapacité à se rendre utile de si loin, sont obsédants. Ce roman du silence et de la culpabilité du grand-père de l’auteur saisit par son authenticité. (C.M. et J.D.)
Le Ghetto intérieur
AMIGORENA Santiago H.