Le jazz band de Goebbels

LIENHARD Demian

Berlin, 1940. Le militant fasciste William Joyce, Américain élevé en Irlande, anime sous le nom de Lord Haw-Haw l’émission Calling Germany diffusée en Angleterre : le ministère de la propagande nazie veut démoraliser les Anglais avec des sketches satiriques, de fausses nouvelles du front et des paroles détournées de standards de jazz, cette musique populaire de « dégénérés ». Il monte pour cela le groupe « Charlie’s political cabaret » et commande un livre titré Le jazz band de Goebbels.

Cette campagne de désinformation du Troisième Reich via la radio et le jazz est décrite avec précision. Parmi les musiciens, des étrangers, des Juifs et des homosexuels échappaient ainsi à l’enrôlement ou à la répression et pratiquaient légalement leur musique, qui aura du succès et échappera à ses initiateurs. En parallèle de cette réalité historique, le personnage fictif de l’écrivain recruté pour créer un récit à partir de cette aventure se questionne : quelle différence entre la propagande et la fiction, comment faire adhérer le lecteur ? La construction originale de la narration ainsi que le style tour à tour romanesque, ironique, voir parodique, parfois lyrique, tout comme les incursions du narrateur par rapport à ses protagonistes et sur son propre travail répondent de l’intérieur de l’œuvre. Ce roman subtil, bien écrit, met en scène des personnages consistants, certains sympathiques, d’autres sinistres. Sur un thème grave qui fait écho à l’actualité, il fait habilement sourire le lecteur embarqué dans cette histoire parfois rocambolesque. (J.H. et A.Le.)