Le jour où j’ai rencontré Ben Laden, roman graphique entre carnet de voyage du djihadisme et entretiens, nous offre les récits croisés de Mourad et Nizar qui témoignent de leur expérience de la guerre sainte, avec celui de Jérémie nous expliquant la genèse du livre.
Ces récits croisés en constituent la première richesse, la narration naviguant entre plusieurs époques : du temps des entretiens à celui du souvenir, de celui du souvenir à celui du work in progress. C’est avec une grande fluidité que l’auteur nous promènedes Minguettes qui ont vu grandir et partir Mourad et Nizar, aux Minguettes où ils vivent aujourd’hui – plus murs et plus marqués – et où il mène les interviews, en passant par Londres, l’Afghanistan…et Paris, où il pense et construit ce témoignage.
En voilà la deuxième richesse, tout nous rappelle que nous lisons une histoire vraie. Jérémie Dres se représente avec ses témoins, dans son travail, et c’est avec beaucoup de subtilité qu’il intègre les éléments historiques dans le récit (sur un écran de télé en arrière-plan par exemple) du parcours de Mourad et Nizar.
L’histoire est servie par un trait sobre et des décors épurés, des planches pleines où le cadre disparaît pour ensuite revenir aux cases plus classiques et une utilisation des couleurs qui servent le temps (le sépia du souvenir) et l’espace (le gris des Minguettes, l’ocre un peu froid de l’Afghanistan).
« Cette expérience-là », comme le dit Nizar, se vit donc à travers la subtilité de la narration et les choix graphiques opérés par l’auteur.
(FT-SS)