« Un coup de tonnerre dans un ciel bleu », câest ainsi que la narratrice, soixante-trois ans, reçoit lâannonce de la mort brutale de John, son mari depuis quarante ans. Sans enfants, sans famille, elle nâa que faire des tĂ©moignages de sympathie compassĂ©s ni du conformisme qui entoure le deuil ; et pas question comme on le lui suggĂšre de se tourner vers le bĂ©nĂ©volat ! BouleversĂ©e, dĂ©sorientĂ©e, au volant de la Jag de son mari, elle fuit Londres pour aboutir au bord de la mer au coeur dâun petit village du Norfolk oĂč elle ne connaĂźt personne. Elle dĂ©crit son installation dans une maison de pĂȘcheurs louĂ©e pour un temps indĂ©terminĂ©, ses visites au pub du coin, ses promenades entre marais et plage, ses mĂ©ditations solitaires devant lâĂątre, ses incursions dans la rĂ©serve ornithologique locale ponctuĂ©es de quelques rencontres⊠Petit Ă petit le choc Ă©motionnel sâamenuise et lui revient en mĂ©moire une trĂšs lointaine aventure sentimentale. Elle revit les frustrations liĂ©es Ă sa vie conjugale quâune certaine tendresse tissĂ©e dâhabitudes ne suffisait pas Ă combler. Et cependant, au contact de la nature et de la mer, sous ce ciel changeant oĂč elle a connu lâamour, elle reprend pied. Dans ce journal sans dates, la narratrice se raconte Ă la premiĂšre personne. EnfermĂ©e dans un monologue intĂ©rieur oĂč ses pensĂ©es passent souvent du coq Ă lâĂąne, elle explore sans concession sa vie dâavant, le basculement dans le deuil et lâapprentissage du veuvage. Avec une luciditĂ© caustique et un humour permanent, elle en analyse les divers aspects et sâĂ©tonne des bouleversements qui sâopĂšrent en elle. Typiquement anglaise, excentrique jusquâau bout des ongles, cette presque vieille-dame-indigne gamberge un peu et sâamuse beaucoup Ă offusquer les villageois bien-pensants, se souciant comme dâune guigne de la conduite Ă tenir en pĂ©riode de deuil. Nâest-ce pas souvent le comique des situations et lâautodĂ©rision qui lui permettent de rendre son quotidien supportable ? Cela nous vaut, grĂące Ă la plume Ă la fois dĂ©sinvolte, sensible et percutante de Mick Jackson, qui se coule de façon trĂšs habile dans le dĂ©sarroi de ce personnage fĂ©minin, des scĂšnes dâune drĂŽlerie Ă©tonnamment Ă©mouvante. Une belle dĂ©monstration de retenue et dâhumour britannique !
Le journal de la veuve
JACKSON Mick