GrĂące au Kami de la lune qui donne Ă sa source dâeau chaude des vertus curatives, lâauberge de MaĂźtre Muraki jouit dâune grande notoriĂ©tĂ©. Jusquâau jour oĂč son insupportable fillette qui accumule les bĂȘtises verse, dans lâeau, de lâencre de Chine. Le Kami dĂ©serte les lieux, la clientĂšle aussi ! Yukiko a dĂ©passĂ© les bornes et Ă©puisĂ© lâindulgence de son pĂšre. ChassĂ©e de la maison, elle sait que pour « rĂ©parer », il lui faut, coĂ»te que coĂ»te, ramener le Kami. Mais comment obtenir de lui son arc, son oeuf ou son chapeau⊠lumineux ? Qui peut aider ce « moineau sans cervelle » ?
Ce conte emprunte Ă la mythologie shintoĂŻste le Kami qui lâenracine dans le merveilleux du Japon traditionnel. Avec une grande simplicitĂ©, il invite au voyage, Ă la dĂ©couverte des activitĂ©s emblĂ©matiques du pays et de dĂ©tails concrets de la vie de tous les jours — recensĂ©s dans le glossaire final. LâhĂ©roĂŻne, une fillette espiĂšgle, joue avec les interdits, sans mesurer la gravitĂ© de ses inventions. Nathalie Dargent, dans la tradition du conte initiatique, la soumet aux Ă©preuves du genre, non sans sourire puisque lâintraitable Kami a, tout divin quâil soit, son talon dâAchille.
Les Ă©pisodes bien enchaĂźnĂ©s au grĂ© dâune narration qui prend son temps aboutissent Ă une conclusion souriante : certes Yuko sâest assagie mais elle ne renonce pas Ă ses facĂ©ties. Heureusement ! Lâillustration de Sandrine Thommen, en double page, sĂ©duit dâemblĂ©e par lâoriginalitĂ© de sa palette : des verts et des bleus dessinent un espace ouvert oĂč le texte nâempiĂšte jamais sur le dessin. La scĂ©nographie joue sur lâalternance des couleurs, sur lâutilisation du blanc et sur une composition dynamique : aux horizontales du quotidien succĂšdent les obliques de la difficile ascension de Yukiko vers le Kami. Originale aussi, et proche de lâart de lâestampe, la superposition sur des scĂšnes dâextĂ©rieur en plan large, de coupes qui font pĂ©nĂ©trer Ă lâintĂ©rieur de la maison. Les figurants, Ă la gestuelle prĂ©cise, disent avec humour comment hommes et femmes vivent lĂ . Lâesprit des lieux enfin glisse dâune page Ă lâautre sa tĂȘte de singe et sa queue ondoyante, silhouette translucide suggĂ©rĂ©e au trait fin. Une seule lecture nâĂ©puise pas la richesse de cet album.