Andreï Makine a vécu en Russie communiste jusqu’à sa maturité. Dans ce roman il fait resurgir son passé de pensionnaire dans un orphelinat, à la fin des années soixante, et l’intègre à divers souvenirs de l’adulte qu’il est devenu : vision d’une jeune veuve au milieu des gradins démontés de la fête du 1er mai soviétique, amitié lumineuse et fugitive avec la fille d’un prisonnier, promenade dans une pommeraie d’État avec une ancienne condisciple devenue dissidente… Autant d’histoires, parmi d’autres, apparemment disparates, mais dont l’auteur relie subtilement les fils.
Tour à tour acteur et spectateur, Andreï Makine explore cette Russie “d’avant”. Il n’en minimise pas les mensonges, les corruptions et les violences, pas plus que les aspirations ou les déceptions qu’elle a engendrées. Il les nuance cependant, en regard de l’évolution actuelle de son pays et de l’Occident (La vie d’un homme inconnu, NB février 2009). Heureusement, il y a la beauté et l’amour qui peuvent tout et sauvent tout. Cette capacité d’émerveillement et de sentiments vrais, dont le narrateur fait la découverte progressive, s’exprime avec une sensibilité extrême, tempérée par une langue parfaitement maîtrisée.