Légende du barreau, l’énigmatique juge Sir Edward Feathers est bien seul dans sa maison du Dorset après le décès de sa femme Betty. Il lui parle et, insensiblement, lui reviennent des souvenirs occultés pendant ses années d’activité à Hong Kong : sa mère disparue à sa naissance, son père – cet inconnu mutique –, ses huit années d’enfance dans une tribu malaise, le déracinement en Angleterre dans une famille d’accueil tyrannique… À quatre-vingt-dix ans, il part seul en voiture sur les traces de sa jeunesse. Jane Gardam (L’homme vert, NB janvier 2002) a une plume mordante et conduit avec maestria un récit entremêlant présent et passé de son héros. Au fil des pages, on découvre combien son apparence lisse est trompeuse et combien, comme tous les enfants de l’Empire britannique, il est resté traumatisé par l’arrachement au pays de sa naissance. Émouvant et drôle, le récit vagabonde entre les époques et recrée admirablement l’ambiance prégnante d’une société très british où, pour devenir adulte, chacun verrouille sa personnalité et se forge un destin singulier. Récemment traduit, ce roman publié en 2004 ouvre une trilogie dont on attend impatiemment la suite. (M.R. et M.-N.P.)
Le maître des apparences
GARDAM Jane