Toute de noir vêtue, une jeune femme turque arpente les quartiers chauds du vieux Genève, la nuit. Elle a fui la Turquie qui lui a “volé son adolescence” et promène sa souffrance, comme elle promène son oeil malade qu’elle est sur le point de perdre. Elle venait de rencontrer, et aimer passionnément, un Espagnol immigré comme elle, attentif et ouvert. Pourtant, parce qu’elle ressentait “toute forme d’altruisme comme une agression”, elle n’avait pas pu s’ouvrir, raconter ses souffrances de femme profondément traumatisée par sa culture dont la trace visible est une blessure au sexe. Désormais seule, elle écrit la nuit dans les cafés. Dans ce bref roman, le quatrième d’Asli Erdogan, c’est le thème de La ville dont la cape est rouge (NB juin 2003) qui revient: l’écriture comme bouée de sauvetage d’une exilée défiant le danger. Le style est clair et sobre. Le roman est bien construit autour de la légende du « mandarin miraculeux », vieil homme d’une résistance incroyable mais qui se décompose dès qu’il rencontre l’amour, tout comme la narratrice. Une jeune romancière turque à suivre avec intérêt.
Le Mandarin miraculeux.
ERDOĞAN Asli