Dans La saison des fous (NB février 2003), le sang se mélangeait aux cendres, pendant cette période post-coloniale angolaise où les idéologies servaient d’alibi à la violence. Aujourd’hui, le calme (presque) revenu, nouveaux riches ou aventuriers achètent une généalogie sur mesure à un érudit local. Tapi au plafond, un gecko familier observe, raconte et rêve le présent ou sa vie humaine antérieure… Dans la maison emplie de livres, il suit les amours de son maître avec Angela, photographe de lumière, et constate qu’on peut s’approprier un passé imaginaire jusqu’à retrouver les traces d’une mère inventée. Mais les traces, réelles ou virtuelles, parviennent à se croiser, la violence resurgit avec les vrais/faux souvenirs. Heureusement, les photographies lumineuses éclairent l’avenir… Dans ces temps incertains du retour à la normale, la chaleur de la ville dévastée et les horreurs récentes, à peine suggérées, accentuent le calme de la maison et la dignité de l’érudit. Moqueur, incisif, onirique, José Eduardo Agualusa s’est nourri de Borges et de Pessoa mais son roman original accommode, avec un talent neuf, la littérature occidentale à la puissance créatrice africaine.
Le Marchand de passés
AGUALUSA José Eduardo