Le montreur d’histoires

ZIDROU, BEUCHOT Raphaël

Avec son théâtre roulant tiré par un petit âne, le montreur de marionnettes débarque au village. Clouée chez elle, la vieille Mamina rêve à l’histoire préférée de son enfance : La Belle au bois dormant et se souvient que son époux n’avait rien du Prince charmant… Elle délègue la petite Fatou pour la représenter au spectacle. Le rideau s’ouvre sur l’histoire du singe Sans façon, amoureux de la belle guenon Diouma qui était déjà promise au Grand singe sorcier. Fatou, elle, ne se rend pas à la représentation. Ce qui l’intéresse, c’est de rencontrer Il était une fois et d’organiser une séance privée, rien que pour elle et sa grand-mère. Pendant ce temps, Diaw rêve de voir Paris. Le petit yéti blanc continue à rétrécir. Pourtant, le destin du conteur doit s’accomplir : revenir dans son pays, revoir Mariam et surtout raconter encore ses histoires. Il n’est pas le bienvenu dans cette contrée où règnent des militaires cruels et où les contes sont hors la loi : la dernière fois, Salif lui a coupé les deux mains. Sa belle a été mariée à un vieux malade qu’elle doit soigner. Entre amour et souffrance, le retour est dramatique, mais on verra que la fable est plus forte que la douleur, plus forte même que la mort.

Une émouvante histoire d’amour, de vie et de mort, tissée de plusieurs récits emboîtés, aux multiples personnages réels et imaginaires. Au soir de sa vie, Mamina demande à son Prince un petit répit pour écouter le rire des enfants. Le singe finit par se faire avaler par le vilain Serpention tandis que le petit Yeti se souvient du temps où il était fort, mais seul. Les vautours, quant à eux, jouent le rôle du choeur grec et énoncent quelques aphorismes plus ou moins drolatiques. Auteur éclectique, sachant passer du livre enfantin à l’humour macabre (Cf. La vieille dame qui n’avait jamais joué au tennis et autres nouvelles qui font du bien, NB janvier 2010), Zidrou use ici de ce dernier talent dans une critique ciblée et particulièrement acerbe des soldats cyniques et redoutables que recèle parfois l’Afrique.  Précis et simple, le dessin de Beuchot se détache clairement d’arrière-plans aux couleurs saturées. Il offre parfois de belles planches dévoilant un onirisme sarcastique.