Le muscle du silence

LAZAROVA Rouja

Dans les années 90 à Paris, une jeune réfugiée de l’Est, jadis anorexique, entreprend une analyse. Au temps du communisme, la crainte de la délation a créé chez elle le réflexe incontrôlable de taire ce qu’elle ressent, un « muscle du silence » privant ses mots et sa sensualité de leur fonction première, la communication. Son psychiatre est un survivant des camps de concentration. Plus âgé qu’elle, c’est un thérapeute peu orthodoxe mais apprécié, grand amateur de femmes. Il désinhibe si bien sa patiente qu’ils vivent un transfert érotique, bientôt transformé en véritable amour.  Il y a quelque chose d’une fable dans ce roman à deux voix, où deux rejetons très différents des totalitarismes du XXème siècle parviennent à se libérer du passé et à connaître ensemble un bonheur que la déontologie désapprouve. Comme dans Mausolée (NB avril 2009), l’écriture de Rouja Lazarova se veut légère : le septuagénaire, un Juif polonais, joue avec humour et élégance de son aura. La jeune naïve que submerge le désir n’est pas dépourvue de finesse ; elle mûrit dans sa découverte éblouie du plaisir des mots et des sens. Malgré ses qualités, l’histoire, traitée trop rapidement, méritait d’être davantage approfondie, psychologiquement et humainement. (A.Lec. et A.Le.)