Le Mystère de la grande dune

DUCOS Max

Tard, la veille, ses parents ont installé leur camping-car dans la clairière. La tempête a cessé ; ils sont partis tôt ce matin pour une balade. Les aboiements insistants d’un chien le réveillent ; il le suit sur le sentier recouvert d’aiguilles de pin, puis sur le flanc de l’immense dune qui barre la vue. Ainsi commence l’aventure entre forêt et océan : quelques brèves rencontres — un groupe de jeunes Allemands, un couple de campeurs, un vieux pêcheur — facilitées par la présence du chien qui l’entraîne plus loin sur la plage. Et là, près d’un blockhaus, un dauphin, vivant encore, échoué dans une baïne…

Entre documentaire et fiction, Max Ducos met en images un lieu exceptionnel : la grande dune du Pyla. Ici et maintenant : une carte du bassin d’Arcachon pour la localisation, le recensement des dauphins échoués en 2012 pour l’ancrage temporel. Les images à la gouache restituent l’ampleur somptueuse du site, explosant de couleurs franches, en doubles pages, au gré de cadrages dynamiques et de plans larges. Une construction cinématographique pour structurer l’espace et un regard de peintre, à la manière de Vallotton, dans la juxtaposition des couleurs et l’utilisation des ombres. Le refus du réalisme plat au profit du regard personnel suscite d’autres sensations : l’odeur des pins dans le roux du tapis d’aiguilles, celle de la mer dans le jeu des irisations ; la présence du vent dans le dessin des nuages et dans l’inclinaison des oyats. Un album d’une indéniable qualité plastique.

Tout entier résumé dans les détails graphiques de la première page, l’événement s’inscrit dans le quotidien banal d’un gamin de douze ans : un lotissement péri-urbain, une chambre dont la déco et les accessoires indiquent les centres d’intérêt de son occupant et rappellent « cet été-là ». Max Ducos campe son personnage avec une sympathie malicieuse. Il lui donne l’occasion, une matinée particulière, de devenir un héros, sans courir au bout du monde… et même l’envie d’écrire ! L’histoire, racontée par l’enfant, dit l’urgence de l’action et l’évidence de sa nécessité. Au rythme de ses arrêts et de l’accélération finale, on en mesure la durée à l’amenuisement progressif des ombres au sol : au retour, le soleil est au zénith. Cela s’appelle grandir.

Le sauvetage est accompli, prouesse collective à la gloire de l’entraide, dans un texte qui évite le manichéisme écologiste ou politique et les clichés qui vont avec : sans la pollution de la plage, sans ses détritus, pas de civière, le blockhaus est allemand, l’équipe de secours aussi. Le schéma narratif dépasse ainsi le récit d’une simple aventure : mise en forme grâce au prisme du souvenir écrit, elle devient expérience initiatique.