Le pays où les arbres n’ont pas d’ombre

KALDA Katrina

La Ville est lumineuse, active, avec ses bibliothèques, ses restaurants, ses jardins… Mais chacun y est surveillé par une gouvernance invisible et peut être soudain exilé dans la Cité lointaine où une population de parias, esclaves endoctrinés et misérables, recycle en usine les déchets de la Ville. Sabine est la fille d’un biologiste célèbre dont les découvertes ont déplu ; il a disparu et elle-même doit bientôt partir avec sa fille Astrid, jeune bibliothécaire enceinte, folle de douleur de quitter son amant. Marie naît là-bas et toutes trois, quinze années durant, espèrent sortir de cet enfer.  Les trois femmes racontent à tour de rôle leur quotidien sordide tissé de méfiance et de violence. Le récit, d’une puissance évocatrice qui glace, détaille les sordides expédients de survie, la peur, la faim, l’épuisement et les tentatives pour préserver un reste d’humanité. La serre que Sabine, aussi dure qu’active, a secrètement créée en hommage aux idées de son père, offre le seul espace de respiration. Normalienne, Katrina Kalda (Arithmétique des dieux, NB mars 2013) est une Estonienne arrivée en France à dix ans (ce détail fait écho au personnage de Marie, enfant surdouée). Sa maîtrise parfaite de la langue sert une réflexion sur l’avenir de l’humanité assez crédible pour être inquiétante. (M.W. et B.T.)