Prêtre défroqué, marié à l’adipeuse et délicieuse Rosa, le Rat est un orateur doué dont le magnétisme fascine Le Délinquant, son inséparable ami. Directeur artistique de Télé-Radio-Sirène – propriété des Oncles –, ce dernier lui propose de créer une émission. S’inspirant de Pinocchio, le Rat improvise de longs sermons et offre une surprenante relecture du conte en incitant les auditeurs à se rebeller et à vivre la liberté de la marionnette. Le succès est fulgurant.
Comme les contes de Perrault en France, les aventures de Pinocchio fondent l’imaginaire des jeunes Italiens. Dans un brillant et périlleux exercice littéraire, Emanuele Trevi s’en empare et en donne une lecture à rebours, valorisant les mauvais génies qui influencent la marionnette. Indéfectiblement unis par la mort violente de leurs parents, les deux protagonistes se laissent entraîner dans une expérience enivrante qui, bientôt, les dépasse. D’une écriture acérée, le romancier livre un pamphlet foisonnant sur le rôle des médias qui créent le désir et effacent toute pensée critique. La marionnette érigée en héros devient le symbole de la résistance du peuple calabrais, dur comme le bois. Allégorie de la mafia, cette fable cynique et poétique propose aussi une intéressante désacralisation de la lecture. (M.R. et C.P.)